[Jack] I'm not looking for salvation

I'm not looking for salvation
Just a little faith in anyone or anything

Ses doigts, fébrilent, tirent légèrement sur le tissu qui cache son bras, dévoilant une peau blafarde, nue, sur laquelle un décompte s'engage. Les heures, les minutes, les secondes... Toutes défilent sans s'arrêter et, maladroite, elle a beau tapoter sa peau, rien n'arrête le défilé de temps qu'elle perd. C'est bientôt le zéro pointé et alors qu'il ne lui reste qu'une seconde, Nina se redresse, moite, dans un lit inconfortable, des draps abimés qui cachent mal son corps recroquevillé. Sourcils froncés, elle met un temps à reprendre pied dans la réalité qui l'entoure, le coeur qui s'apaise à mesure qu'elle est capable de reconnaître les murs pourris de ce qu'on appellerait plus un squat qu'un logement décent. Migraine en approche, Nina s'assied sur le bord du lit, tête lourde. Les cauchemars sont rares, surement parce qu'on lui a toujours dis qu'ils étaient déclenchés par des regrets, ou des remords, elle ne sait plus trop. Ni lequel est pire, ni la différence entre les deux. De toute façon, elle n'a ni l'un, ni l'autre. Soupir aux lèvres, elle recouvre son corps de ses habits, enfile sa veste et se traine dans la rue. Le soleil ne s'est pas encore levé, comme cette impression de n'avoir pas dormi; il faut dire qu'elle s'est couchée si tard, levée si tôt visiblement, qu'elle a le sentiment, au final, d'avoir juste cligné des yeux. Ses cheveux détachés, quelques mèches qu'elle place derrière ses oreilles, Nina entre dans le premier salon ouvert, pour n'y consommer que du soda. Sa drogue à elle. D'autres fument à outrance des déchets dont on ignore la composition réelle, d'autres boivent comme des trous des alcools qui seraient bons pour déboucher les tuyaux d'évacuations de la ville. Elle, elle se gorge de soda au goût chimique qui rappelle des saveurs fruités qu'elle n'aura pas eu la chance de connaître au naturel.

Il lui faut un temps pour se souvenir que fut une époque, c'était ça son rituel. Se réveiller tôt pour boire ici avant d'entamer sa journée au restaurant. Ca serait exagéré, et mensongé, de dire que Nina est prise de nostalgie, mais c'est l'étrange ressemblance entre cette scène et celle d'il y a quelques années, qui la frappe suffisamment fort pour réveiller des souvenirs qui se sont échappés de son esprit à la seconde où elle est partie. Une vie avec laquelle elle ne renouera jamais, parce qu'elle n'en ressent pas le désir, que ça ne lui manque pas plus que ça, mais elle refait le chemin qui la menait, avant, au restaurant. Elle sourit un peu, surtout parce qu'elle n'arrive toujours pas à comprendre comment le chef de ce bouiboui pourri a pu, ce jour-là, l'embaucher avec sa dégaine merdique, ses traits tirés et son franc-parler vexant. Jamais un futur employé ne s'était aussi mal vendu qu'elle ce jour-là; faut dire aussi que demander ses défauts et ses qualités à quelqu'un avec un égo aussi développé que Nina, c'est chercher la petite bête quelque part.

Mains dans les poches, elle s'aventure dans une ruelle pour retrouver une silhouette dont elle n'a pas oublié les détails. Pas qu'il lui a manqué, personne ne manque jamais à Nina; vous sortez de sa vie, vous sortez de sa tête, simple et efficace. Et comme si c'était affreusement naturel, Nina réduit la distance pour marcher à ses côtés, mains dans son dos qu'elle tient droit, pour l'accompagner à son boulot. Comme si son dernier jour, datant de presque quatre ans, était en fait hier. Nina n'a pas forcément conscience des distances, des délais, de l'impact du temps sur les autres. Elle se pose pas la question non plus, l'avis des autres, s'il n'est pas comme le sien.. "T'as une sale tronche."